Cette technique de traitement est apparue vers la moitié du siècle dernier au Canada puis en France où un centre unique a développé sa méthodologie (Bancaud et Talairach 1974). Depuis, quelques centres se sont créés en France, dont celui de Rennes.
Sur la carte mise à jour en 2008 pour le rapport de la société de neurochirurgie on peut constater que les régions Ouest sont les moins bien pourvues…Seuls deux Centres disposent de toutes les ressources (explorations par électrodes profondes : Bordeaux et Rennes).
Ce type de traitement est spécifique des CHU, il nécessite des moyens qui ne sont disponibles que dans certains CHU, en cela le Centre de Rennes a une spécificité reconnue au plan national.
Carte 1(B. Devaux et al, 2008). Centres pratiquant la chirurgie de l’épilepsie en France. En gris les Centres ne disposant pas des explorations par électrodes profondes, ceux en disposant sont en rouge. Ainsi le Centre de Rennes recrute les patients Bretons et des Pays de Loire ainsi que les patients nécessitant une exploration par électrodes profonde venant de la région Centre, Poitou Charente et Basse Normandie.
La méthodologie Française remporte un grand succès actuellement, elle s’étend maintenant en Europe, Italie, Allemagne, Espagne, mais aussi aux USA. Un stagiaire de Rochester est récemment venu apprendre la technique Française à Rennes.
Aspects financiers pour la collectivité
Au-delà du côté humain de traiter, de guérir des patients qui peuvent l’être, une enquête menée en France permet d’envisager le rapport coût bénéfice de la chirurgie de l’épilepsie chez l’adulte. Cette enquête compare un groupe de patients opérés à un groupe de patients non opérés (pour des raisons de délais d’attente, de désirs personnels,…)
Cette étude montre que la chirurgie s’adresse à des patients jeunes (âge moyen 35 ans). Que le coût des explorations et de la chirurgie sont rapidement compensés cf figure 3. Dès la seconde année, les patients opérés coûtent significativement moins chers que les patients opérés (p<0,0001). Et cette figure ne tient compte que des coûts médicaux…Elle ne tient pas compte des cas pédiatriques, où la « rentabilité » ne peut être que supérieure
(Picot et al 2008)
Résultats du traitement chirurgical curatif en France
Résultats sur les crises Les 11 centres Français ont donné leurs résultats pour le rapport de Neurochirurgie en 2008. (Devaux et al 2008)
• Lobe temporal 80% de guéris globalement (83% de guéris avec sclérose de la corne d’Ammon ; 79% sans sclérose).
• Autres lobes 65% de guéris (épilepsies lésionnelles 83% de guéris ; sans lésion décelable 63% de guéris).
Résultats sur la qualité de vie chez les patients opérés, l’enquête Française montre que dès la première année, l’ensemble des scores du QOLIE 31 (quality of life in epilepsy) et du SEALS (side effects and life satisfaction inventory) est significativement meilleur dans le groupe opéré comparé au groupe de patients non opérés (Picot et al 2008).
Complications (sur 2611 cas) : mineures sans séquelle 3,7% ; majeures sans séquelle 2,5% ; majeures avec séquelles 2,5% ; 0,15% de décès liés à la procédure ou à l’intervention elle-même.
La chirurgie diminue-t-elle significativement le taux de surmortalité des patients épileptiques réfractaires ? Les études souffrent de biais méthodologiques, mais on en ressort que la durée de vie est supérieure si on est opéré que si on ne l’est pas (Vickrey et al 1995 ; Sperling et al 1999 ; Salanova et al 2002 ; Sperling et al 2005) ; Des études prospectives de méthodologie rigoureuse sont en cours pour confirmer ces résultats.
Aspects méthodologiques
La procédure menant à la chirurgie doit être rigoureuse, le cerveau est un organe qui ne se régénère pas….
1) Déterminer la zone épileptogène (ZE) ou région du cortex cérébral d’où partent les crises.
2) Etre certain que l’ablation de cette aire corticale n’entrainera pas de déficit inacceptable.
Cette procédure est nécessairement pluridisciplinaire, faisant intervenir le neurologue, l’électrophysiologiste, le radiologue, le médecin nucléaire, l’anesthésiste, le neuro-chirurgien, le neuro-psychologue…
Déterminer la ZE
Les crises sont des phénomènes dynamiques, avec un début, une évolution et une fin. C’est donc logiquement par l’enregistrement en vidéo et en EEG (vidéo-EEG) que débute l’enquête. C’est aussi le seul moyen d’avoir la preuve de la maladie. Le patient est donc convoqué pour enregistrer ses crises en hospitalisation. On favorise leur survenue par une baisse de traitement qui ne peut se faire que sous surveillance hospitalière. On établit ensuite des corrélations anatomo-cliniques entre les signes cliniques observés et l’activation EEG. La réalisation d’une scintigraphie pendant la crise mesurant le débit sanguin aide encore à la localisation (la ZE présente un hyperdébit lors de la crise)
Une fois obtenu l’enregistrement de crise(s) on confrontera ces résultats à ceux de l’imagerie IRM et/ou PET ; en effet si les crises sont fréquemment en rapport avec une lésion, ces lésions n’expliquent pas tout, et la ZE se situe souvent en périphérie de ces lésions. On pense que seulement 1/3 des patients peut guérir si on limite le geste à la lésion. Par ailleurs environ 25% des patients épileptiques n’ont aucune lésion décelable sur nos examens.
A l’issue de cette étape
-Soit la clinique, l’EEG et les données de l’imagerie sont congruentes et on a une bonne expérience de ce type de crise, une intervention chirurgicale peut être proposée si on est en zone corticale « non éloquente » (hors des aires motrices, sensorielles, du langage,…)
-Soit la situation est plus complexe : la ZE est en rapport avec une aire corticale éloquente ; le bilan fait suspecter l’existence de plusieurs ZE ; la ZE parait très vaste car la crise se propage très vite ; la ZE n’est pas en rapport avec une lésion visible ;…le patient peut être récusé ou on lui propose une exploration par électrodes intra-cérébrales : stéréo-électro-encéphalographie (SEEG).
Ce n’est qu’au terme de ces explorations que l’on confirmera l’indication opératoire, et que l’on pourra fournir au chirurgien le schéma de résection programmé, en tenant compte de la situation individuelle des aires corticales à épargner.