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Si les premières interventions neurochirurgicales datent de l’ère néolithique, il y a 12 000 ans (« trépanation » vient du grec trypanon, signifiant foret), c’est à Harvey Cushing, né à Cleveland en 1869, que l’on doit l’individualisation de la neurochirurgie, en 1904 lors d’une présentation rapportée dans le bulletin de l’hôpital John Hopkins (figure 1) où il développe une vision du champ de la chirurgie du cerveau et du système nerveux central, nécessitant un entraînement et une pratique spécifiques, incluant des connaissances en neurologie, neuropathologie et neurophysiologie.
Depuis l’invention de l’anesthésie (Oliver Wendell Holmes, fin du XIXème siècle), ainsi que l’avènement de l’antisepsie et l’ère des antibiotiques, la découverte des antiépileptiques et des corticoïdes, la neurochirurgie a connu d’importantes évolutions, notamment grâce à l’utilisation du microscope, inventé par Carl Zeiss en 1848 et utilisé initialement en neurochirurgie par Kurze -1957-, Jannetta et Rand -1967-, Yasargil -1969-, améliorant la précision du geste neurochirurgical et en en diminuant ses risques.
Mais c’est une véritable « révolution » que connaît la neurochirurgie moderne depuis 25 ans, caractérisée à la fois par une « course à l’armement » et une « explosion d’informations », aboutissant à une réinvention de la neurochirurgie. Ceci a deux conséquences, à savoir un potentiel fabuleux, mais aussi des problèmes potentiels.
La « course à l’armement » correspond aux nombreux outils dont dispose désormais le neurochirurgien, comprenant bien sûr des microscopes hautement performants (coût unitaire : 200 000 €), mais aussi des systèmes de monitorage et de stimulation neurologiques per-opératoires, ainsi que lasers, endoscopes, bistouris à ultrasons… L’apparition de systèmes de neuronavigation, sortes de GPS chirurgical a de surcroît constitué un tournant majeur dans un grand nombre d’actes neurochirurgicaux, permettant avec une précision de plus en plus extrême, de déterminer la trajectoire de l’approche chirurgicale et d’atteindre la cible à traiter, en contrôlant en permanence la topographie. Certains services de neurochirurgie, en dehors de France, possèdent déjà un appareil d’IRM en salle d’opération (coût > 1 million d’€), permettant notamment de juger de la réalité de l’exérèse de certaines tumeurs cérébrales durant la chirurgie. La «nanoneurochirurgie» est en train de voir le jour et autorisera des micromanipulations neurochirurgicales à l’échelon moléculaire, ainsi que des analyses des propriétés mécaniques de structures microscopiques. Enfin, la radiochirurgie stéréotaxique permet dans certaines indications spécifiques de traiter des lésions cérébrales, profondes, en utilisant des faisceaux multiples par exemple de Cobalt, ces faisceaux convergeant vers la cible qui reçoit leur effet conjugué et cumulé, avec une précision stéréotaxique. Toutes ces techniques et ces moyens se caractérisent par un double intérêt, à savoir une minimisation des risques thérapeutiques et une grande précision.
L’ « explosion d’informations » est liée aux progrès constants et impressionnants de l’imagerie du système nerveux, qui ne trouvent pas de comparaison dans les autres organes : même le scanner, que certains jugeaient «dépassé» depuis l’avènement de l’IRM, constitue un apport majeur, dans l’analyse des structures osseuses, notamment rachidiennes, mais aussi vasculaires en 3 D (angioscanner) grâce aux appareils multi-barettes. L’IRM fournit désormais des informations encore plus essentielles, grâce aux explorations 3D (indispensables à la neuronavigation), fonctionnelles (IRM f), dynamiques (séquences de diffusion, spectroscopie, ciné-LCS,…) ; en outre nombre de ces informations, notamment fonctionnelles, peuvent être incluses en neuronavigation (« multimodalité de l’information »), afin d’appréhender au mieux les risques du geste chirurgical (figure 2). Il faut par ailleurs citer la TEP. Il convient de souligner enfin que le bloc opératoire n’est plus une enclave réservée aux seuls chirurgiens et anesthésistes réanimateurs, mais qu’il accueille des neurologues, des neurophysiologistes, des ingénieurs et chercheurs, traduisant ainsi une multidisciplinarité de la prise en charge thérapeutique.
Un potentiel fabuleux
Il est aisé d’imaginer que les progrès à venir vont permettre de traiter les pathologies, au plus loin pour le neurochirurgien et au plus près pour la lésion ; il est même imaginable que la magnification optique se fera un jour sans microscope et que la manipulation des images se fera en temps réel (confer le film visionnaire sinon prémonitoire de Steven Spielberg, adaptaté de la nouvelle éponyme de Philip K. Dick, « Minority Report »); à cela s’ajoutent les développements de la stimulation cérébrale, profonde ou corticale, qui constituent un atout majeur en particulier dans le traitement de la maladie de Parkinson, mais aussi dans de nombreux autres domaines potentiels (douleur chronique, troubles obsessionnels compulsifs), avec parallèlement un rapprochement de deux spécialités qui s’étaient très éloignées à la fin des années 50, la neurochirurgie et la psychiatrie. Il est en définitive même possible de se demander si dans 20 ans, il existera encore des zones du cerveau qui ne pourront bénéficier d’une stimulation.
Les problèmes potentiels ont trait à l’aspect financier de tels moyens et méthodes, dont le coût devient démesuré, ce qui constitue le principal obstacle à leur mise en œuvre, tenant compte en outre de l’obsolescence rapidement atteinte en quelques années. Par ailleurs, les obligations en matière de stérilisation, liées au risque (discutable et discuté) de transmission de la maladie de Creutzfeldt Jakob, entraînent des altérations souvent prématurées et rapides des micro-instruments coûteux utilisés dans notre spécialité.
Figure 2 : planning opératoire en neuronavigation, utilisant des données multiples (délimitation de la lésion –cavernome-, topographie des sillons cérébraux avoisinants, données d’ IRMf en somesthésie et motricité, tractographie) (service de neurochirurgie-Unité Projet VISAGES-INRIA-INSERM U.746-CNRS, Rennes, 2006).
Le service de Neurochirurgie du CHU Pontchaillou est particulièrement impliqué, en matière de recherche et au sein de l’Unité VISAGES, dans la « chirurgie guidée par l’image » (modélisation de gestes, différentes étapes de procédure), avec X. Morandi, L. Riffaud, C. Haegelen, PL. Henaux ; de surcroît existe une valorisation industrielle (ZEISS microscopes, MEDTRONIC, neuronavigation chirurgicale). L’équipe de recherche a été évaluée par l’AERES en Novembre 2010 (2006-mi 2010 : 10 brevets ; 126 publications de rang A, dont 51 en recherche méthodologique et 75 en recherche clinique ; financements obtenus : 2 080 k€).
Références :
Apuzzo MLJ. Reinventing neurosurgery : entering the third millennium. Neurosurgery 46 :1-2, 2000
Apuzzo MLJ, Hodge CJ. The metamorphosis of communication, the knowledge revolution, and the maintenance of a contemporary perspective during the 21st century. Neurosurgery 46 :7-15, 2000
Apuzzo MLJ, Liu CY. 2001 : Things to come. Neurosurgery 49 :765-778, 2001
Apuzzo MLJ, Elder JBE, Faccio R, Liu CY. The alchemy of ideas. Neurosurgery 63: 1035-1044, 2008
Liu CY, Apuzzo MLJ. The genesis of neurosurgery and the evolution of the neurosurgical operative environment. Part I- Prehistory to 2003. Neurosurgery 52 :3-19, 2003
Liu CY, Spicer M, Apuzzo MLJ. The genesis of neurosurgery and the evolution of the neurosurgical operative environment : Part II- Concepts for future development, 2003 and beyond. Neurosurgery 52 :20-35, 2003
Leary SP, Liu CY, Apuzzo MLJ. Toward the emergence of nanoneurosurgery : Part II- Nanomedecine : diagnostics and imaging at the nanoscale level. Neurosurgery 58 :805-823, 2006